Tuesday, July 31, 2007

Rachel

Bip, Bip, Bip, « Bonjour, il est 7 heures, Vanessa Klak pour les informations sur Pure FM… déjà des bouchons aux alentours de Bruxelles, pour ne pas changer…, à signaler un poids lourd renversé sur le viaduc de Vilvoorde, trois kilomètres de files, une collision entre plusieurs véhicules dans le virage de Forest, là, vous êtes à l’arrêt depuis Halle…. »

Putain de réveil… off.

« … il est 7 heures vingt-cinq, voici le dernier Manu Chao « Raining in Paradise »
Et merde, je vais encore être à la bourre !!! Qu’est-ce qu’elle a dit ce matin sur le point route ? Des bouchons partout ? Flûte, c’est mercredi, je dois aller bosser à Bruxelles en plus, ça va encore me prendre deux heures.

Qu’est-ce qui m’a pris de raser ma barbe la semaine dernière, je vais encore perdre dix minutes dans l’aventure. Pour le café, pas le temps, je le prendrai au bureau, et pour le petit déjeuner… voyons voir… voilà, un bâton de chocolat, c’est bon pour réveiller les méninges. On s’occupera du foie plus tard.

Mais on est le 18 juin ! Génial, Rachel revient de son voyage d’affaires ce matin.
Voilà sept ans que nous sommes ensemble et ce soir, c’est décidé, je me lance !!
J’ai tout avec moi ? La bague !! Non, c’est trop cliché, je peux pas la perdre le jour-J… ah, là voilà ! Elle est superbe, elle va adorer, et pour une fois, je ne risque pas de lui offrir encore la même que pour ses anniversaires, un beau diamant serti de pierres bleues… j’adore !
D’accord, je lui ai déjà offert deux fois les mêmes, et je me rappelle de sa tête. Ceci dit, il faut avouer que pour offrir deux fois la même bague, c’est que je suis fidèle à mes goûts ! Reste peut-être à les varier, mais ça, c’est une autre histoire.
En tout cas, celle-ci, elle va l’adorer c’est sûr, même sa mère n’a su retenir ses larmes quand elle l’a vue.
Un gros diamant entouré de ses douze petits frères… celui qui a fait ça, c’est un artiste, même si mon banquier doit le détester à l’heure qu’il est.
Je me demande si elle va pleurer quand je vais lui offrir… quelles idées je peux avoir par moments.
Zut, allez je dois refermer cette boîte sinon j’arriverai jamais à l’heure pour le premier meeting de la journée, et en plus je dois en avoir cinq si je me souviens bien de mon agenda. Je vais quand même lui sonner pour voir où elle est… boîte vocale, elle est sûrement dans l’avion, j’appellerai plus tard.

Huit heures ! Faut que j’y aille ! Cool, c’est Adora d’Indochine qui passe à la radio, de quoi maintenir la bonne humeur.
Comme prévu, deux heures pour arriver au boulot, ce n’est pas que je commence à en avoir marre, mais ça y ressemble. Si ça continue, je finirai même par envisager prendre le train.
Tout juste pour le premier meeting, allez je fonce pour pas y être le dernier.

Onze heure, infect !! Ce café est vraiment infect, si je continue de boire ce truc, c’est près de ma sœur, infirmière à Erasme que je vais finir, à la différence que moi seul serai allongé dans un lit.

Faut que je sonne à Rachel, j’espère qu’elle n’a pas oublié le rendez-vous de ce soir. Je vais lui demander sa main chez Francesco, son restaurant préféré. Depuis le temps qu’on y va, nous avons établi une véritable amitié avec Francesco, mais aussi avec tous ses employés, dont ce cuistot complètement givré de Nicolas qui ne pense qu’à découper et cuire du cheval.

Ca va faire plaisir à Rachel, et comme en plus Francesco se prête au jeu… l’entrée du gâteau « carnaval » dans la grande salle, toutes lumières éteintes, cela devrait faire son effet. J’espère juste qu’il fera éteindre les lumières après que je me sois agenouillé pour lui demander sa main et non avant… toujours pressés ces italiens.

Onze heures vingt… encore sa boîte vocale… « Bonjour ma chérie, sonnes-moi dès que tu arrives, et n’oublies pas notre rendez-vous de ce soir, tu peux passer me chercher au boulot vers dix-neuf heures trente… ok, vingt heures, je suis toujours en retard je sais… je t’embrasse ».

Quatorze heures, faut vraiment que j’ai perdu le sens du goût pour encore reprendre un de ces cafés. Où est mon portable ? Toujours pas de message, ni d’appel. Je parie qu’elle a encore raté son vol, c’est à chaque fois pareil quand elle part toute seule. Au lieu d’une bague, c’est un gros réveil muni d’une boussole que j’aurai dû lui acheter. C’est moins joli, mais quand on la connaît, c’est acheter utile.

Zut, encore sa boîte vocale… tant pis, faut que je file dans la salle 54, une bonne raison de me débarrasser de ce café.

Une petite vibration sur le coeur, c’est elle !! Dans le cœur, c’est en permanence, mais sur le cœur, c’est le vibreur du portable. Enfin. Un message ? Non, une deuxième vibration, c’est un appel.
Zut, pas en plein meeting, je vais me faire remarquer, tant pis, je lui retéléphonerai après. Enfin, j’espère que c’était elle.

Ce meeting n’en finit pas… dix-huit heures trente, ce n’est plus un steering, mais une transposition d’un marathon, dire que dans une heure trente, je serai en route pour le bonheur. J’écoute plus trop ce qui se raconte, mais ce qui est sûr c’est que si la machine à avancer le temps existait, il serait déjà vingt heures !

Terminé ! Enfin ! Je vais vite écrire mes emails et résumer les points qui m’ont été assignés. Plus que vingt minutes, je vais encore être en retard, tant pis, je la verrai dans le hall, pas le temps de lui sonner.

Vingt heures, et voilà, je presse « Send » et le dernier email part, ouf. Allez je clôture toutes ces sessions, j’éteins cet ordinateur, cet écran, et maintenant, en route pour la gloire !

Yes !!! je suis le premier dans le hall. Je vais lui dire que je suis là depuis dix-neuf heures trente… La bague ! Ouf, elle est toujours bien là dans ma poche.

Vingt heures dix… voilà qui ne lui ressemble pas. Zut, le coup de fil, j’ai pas pensé la rappeler, alors… tiens, c’est un appel de sa mère, et pas de message. Encore un point commun avec Margareth, sa mère. On s’adore, on a des tas de points communs, et laisser un message sur une boîte vocale, c’est pas notre truc. Bon ben comme Rachel n’est pas encore à, je vais la rappeler.

Voilà, ça sonne… Allo, Margareth ? Bonsoir c’est votre beau-fils préféré, et ne me dites rien, je sais que vous n’avez qu’une fille… Margareth ? Tout va bien ? Vous pleurez ? Que se passe t’il ?... Quoi ?... Ce n’est pas possible ?... Quand ?... Je viens tout de suite !

Le temps vient de s’arrêter.
Tiens, il y a de la pluie sur mon visage, bizarre, on est à l’intérieur du hall.
C’est quoi ce truc par terre ?
Oh, mon portable est tombé, et j’entends plus rien en plus, qu’est-ce qui m’arrive ?
Je ne vois plus rien, trop d’eau dans les yeux.
Pas moyen d’avancer, quelqu’un doit me retenir les pieds, je n’arrive plus à bouger.
Noir, il fait tout noir maintenant.
Je ne vois plus rien, je n’entends plus rien, où suis-je ?
Qu’est-ce qu’il m’arrive ?

« Mais poussez-vous donc ! Laissez-le respirer » cette voix, je la connais… Michel ?
Michel c’est toi ?
Tiens, de la lumière, mes yeux s’ouvrent petit à petit.
Tous ces gens ?
Qui sont-ils ?
Pourquoi suis-je allongé à même le sol ?
Michel ! Michel, qu’est-ce qu’il se passe ?

« Tu me vois, tu m’entends ? » j’ai surtout senti la claque que tu viens de me mettre.
« Elle est partie toute seule idiot, tu as mal quelque part ? Tu es tombé tout d’une et Werner, le garde de la sécurité vient d’appeler une ambulance »
Non, je n’ai mal nul part, enfin, je pense, je ne sais même pas ce que je fais ici
« Tu veux que j’appelle Rachel ? »
Rachel ? Rachel… Voilà le déclic, Rachel…
Rachel est morte Michel.
Sa mère vient de me prévenir.
Elle a pris le premier avion ce matin pour venir me rejoindre le plus rapidement possible, pour une fois qu’elle rate pas son avion, et un camion a percuté son taxi sur le pont de Vilvoorde et s’est renversé dessus.

Tu peux me conduire à l’hôpital ?
Je n’ai pas envie d’y aller en ambulance, et puis je ne suis pas trop certain de pouvoir conduire pour tout te dire.
« … viens, je t’emmène tout de suite »
Merci.
« Monsieur, Monsieur… »
Oui ?
« Cet écrin est tombé de votre poche… »
Lorsque Michel regarda l’écrin, il comprit tout de suite.
Pour une fois, je ne lui avais rien dit...
Il faut dire qu’avec cette amitié qui nous caractérise depuis autant d’années, pas besoin de beaucoup de mots pour que Michel et moi puissions nous comprendre, parfois un seul geste, un seul regard est suffisant.

Je pris l’écrin dans ma main et l’ouvrit… quelle jolie bague…
Je me suis encore trompé, ce n’est pas Rachel qui pleure en la regardant, c’est … moi.
C’est fou ce qu’elle brille plus… quand on la regarde avec des larmes devant les yeux.

C’est fou.

1 comment:

fahar said...

je ne sais pas vraiment pourquoi mais cette histoire me rappel des choses, des sensations, du déjà vécu.
C'est touchant c'est simple cela sonne vrai, surement parceque cela l'es ...
en tous cas t'as une jolie ecriture, et ta fin est comme ses films que l'on retiens !